Sans toi (chapitre 1)

Préface ici

Cachée derrière un arbre, dans ce cimetière si grand, je sais que personne ne peut me voir. J’ai toujours aimé ces endroits, respirer ce calme et cette atmosphère si particulière. A chaque fois que j’ai avoué ce penchant pour les cimetières, on m’a traitée de cinglée ou juste regardée de travers. Peu, trop peu de gens ont compris ça, ont admis que je pouvais être tout à fait normale et me balader au milieu des tombes, lire les noms gravés et sourire. Rien de gothique dans mon attitude, très loin de là…. Non, juste un sentiment de quiétude qui me va bien.

we heart it Oria_Shafshak
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Et pourtant, la religion et moi, ça fait au moins deux. Ceux qui ont essayé de me faire entrer ça dans la tête s’y sont tous cassés les dents. Trop d’intolérance alors qu’ils prônaient le respect de chacun. Trop de non-dits, d’hypocrisie….J’ai toujours voulu croire en quelque chose, me sentant trop fragile pour me porter toute seule. J’ai toujours espéré secrètement que les anges existaient, et les fées aussi.

Je les vois, tous, sans les reconnaître vraiment. Un peu de vent souffle et fait se soulever quelques feuilles mortes. C’est le début de l’automne, c’est le jour de ton anniversaire. Hier, j’aurai dû souffler mes bougies, hier nous aurions pu rire encore de cette coïncidence entre nos dates de naissance. Hier j’aurai sûrement reçu un petit message qui aurait compté plus que tous les autres ensemble.

Mes yeux sont collés au cercueil, comme hypnotisés. De là où je suis, je n’entends pas ce que le prêtre dit, et pour tout vous dire, je m’en fous. Je voudrais être ailleurs, je le suis déjà, je ferme les yeux. Je vais me réveiller et me rendre compte que je suis en plein cauchemar. Compter jusqu’à dix et les ouvrir. Je serai dans mon lit, le soleil brillera et j’aurai un message en attente sur mon téléphone… « Désolée pour hier, bon anniversaire, bisous…. ». C’est forcément une erreur, une fausse manipulation du monsieur là haut. Et ces gens qui pleurent devant ce grand trou, ce ne sont pas tes amis, pas ta famille, je me suis trompée…j’ai mal lu le faire-part, le facteur s’est trompé d’adresse, c’est sûr….

J’ouvre les yeux, tout est encore là. Les fleurs, les larmes, le vent…. Quelques personnes se sont éloignées, ne restent que les plus tristes. Et moi, derrière mon arbre, qui ne croit toujours pas à ce qui est en train de se passer…..Joseph…..

Le cercueil est déposé au fond, et voilà c’est fini….Je vais attendre encore un peu et puis me rapprocher, pour voir. Si je dois m’écrouler, je préfère le faire sans témoin, quand il n’y aura plus que les arbres pour me regarder pleurer. Pour me regarder mourir aussi. Car je ne me fais pas d’illusions sur la suite, si c’est vraiment toi dans cette boîte, si tu es vraiment parti, alors je ne pourrai pas vivre encore. Pas dans un monde où tu ne serais plus….

La fatigue me saisit d’un coup, comme si elle voulait rattraper toutes ces dernières nuits sans sommeil, ces nuits ravagées de larmes et de cris étouffés. Assise au milieu des feuilles, adossée à cet arbre qui ne me jugera pas, je me laisse envelopper comme dans un nuage et finit par m’endormir. Je ne sais pas combien de temps je reste là, mais lorsque je me réveille, il n’y a plus personne dans le cimetière. Le trou est recouvert de terre, la pierre est installée et les fleurs envahissent le marbre. S’il faut affronter la vérité, c’est maintenant.

Encore toute engourdie, je me lève et m’avance. Le vent souffle plus fort et emmêle les cheveux sur mon visage. Et puis j’arrive devant la tombe. Ta tombe. C’est la première chose que je vois, ton nom. Et puis en dessous, ta date de naissance, celle d’aujourd’hui. Celle que je n’oubliais jamais, quoiqu’il ait pu se passer. Ce jour était le tien, ce jour n’existera plus.

J’ai besoin de te toucher, de te sentir, j’ai envie de creuser ce trou, et d’ouvrir la boîte. Une dernière fois. Ce n’est pas possible. Je regarde autour, personne. Je bouge un peu les couronnes, m’assois et caresse le marbre. Un sanglot au fond de la gorge m’empêche de respirer. C’est pas grave, on me retrouvera là et je te rejoindrai. Pas grave si mon cœur lâche, au moins je serai tranquille. Tout se brouille devant moi, je pense à mes parents, aux gens qui m’aiment. Je pense à leur chagrin. J’ai lutté toute ma vie pour ne pas les décevoir, pour ne pas les blesser, jamais. Mais là, c’est plus fort que tout.

Le gardien m’a entendue crier, hurler, implorer le ciel de m’emmener aussi. Il s’est approché et m’a trouvée prostrée, les yeux gonflés. Complètement sous le choc. De sa voix douce, il a essayé de me guider loin de ta tombe, Jo, mais je ne pouvais pas, je ne voulais pas te laisser là, tout seul. Nous nous étions promis de ne plus jamais nous séparer…Trop souffert de ces jours sans toi, trop pleuré déjà tes absences.

Je me suis réveillée dans un lit blanc, personne à mon chevet. J’ai rêvé alors, me suis-je dit, ce n’était qu’un mauvais, très mauvais cauchemar….

14 réflexions sur “Sans toi (chapitre 1)

  1. J’aime regarder les noms sur les tombes, regarder les dates, imaginer les histoires… je ne crois pas que ce soit être bizarre, et même si c’était le cas, je m’en fou!
    Ton récit est prenant, j’ai envie de connaître la suite! Savoir si ton héroïne rêvait ou non…

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